Page:Alexandre - Donatello, Laurens.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
DONATELLO.

expression n’aurait pas de sens pour un sculpteur grec. Il ne se reconnaîtrait pas le droit de « comprendre » cette déesse autrement que l’accord des âges et des esprits l’a comprise pour lui. La seule chose à quoi il s’applique, c’est de triompher dans la pureté des lignes, dans la puissante caresse du modelé. Il n’est jusqu’à certains types, qui nous apparaissent d’abord plus caractérisés, plus accidentés, et d’ailleurs en petit nombre, par exemple Silène, Marsyas, qui une fois conçus, non par un artiste mais par l’ensemble des artistes et du public, ne conservent désormais leurs accents de formule et leur merveilleuse monotonie.

En un mot, l’art antique a horreur du caractère particulier : Donatello en a la passion. Tout ce que la statuaire grecque rejetait comme indigne, il le ramasse et en fait de la beauté. L’expression, que les maîtres hellènes admettaient rarement et d’ailleurs pour l’effacer immédiatement suivant certaines règles et n’en conserver que des directions générales très atténuées, Donatello l’accepte avec une sorte de joie sombre, de puissant humour. Une belle laideur devient pour lui un motif d’inspiration. Ce sera l’éternel abîme entre les deux grandes tendances de l’art. Mais heureusement, par dessus cet abîme les belles œuvres, les belles fleurs semées et nourries par les génies les plus opposés, rejoignent leurs rameaux. C’est pourquoi Phidias et Donatello sont aussi grands l’un que l’autre. Nous consentons à dire que Donatello n’est pas plus grand. Leurs œuvres par des moyens contraires arrivent au même résultat.