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DONATELLO.

flammes assombries. Prophètes et apôtres, il leur sied, et ils en ont plus d’une occasion, de garder cette sorte d’indignation concentrée, cette sarcastique grandeur qui domine, juge et écrase. Point de douceur en eux : leur apostolat est sur le pied de guerre. S’ils s’animaient, leur main frapperait, et ne bénirait pas.

Que Donatello ait réalisé ce vaste poème de robuste mélancolie, cette effrayante satire de marbre et de bronze d’après un plan arrêté, avec même la conscience de cette signification de son œuvre, ce n’est point vrai ni vraisemblable. C’est un spontané, un instinctif, mais il n’en est que mieux l’intense reflet, le condensateur de toutes les nobles et désintéressées tendances de l’esprit se libérant, vengeur, des contacts de la matérialité. Voilà ce qui fait son œuvre, cette partie de son œuvre notamment, si haute et si belle. C’est certainement, de tout ce qu’il produisit, ce qui a été le plus puissamment pensé, le plus magistralement écrit et affirmé.

Ce sont de ces choses que l’on fait quand on est délivré des hésitations de la jeunesse, de la maigreur des œuvres de début, et que l’on n’est pas encore entré dans l’âge des désillusions, des rancunes et des doutes.

Ce dont il est pleinement responsable en revanche, c’est de la beauté plastique de ces figures d’apôtres et de prophètes. Il les a voulues telles. La forme est de lui seul, l’expression de lui seul, la présentation de lui seul. C’est lui qui a inventé ces attitudes indéracinables, ces implacables visages, ces magnifiques draperies qui sont aussi