Page:Alexandre Pouchkine - Poèmes dramatiques, Viardot, 1862.djvu/164

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Albert

Mourir ! Mais est-ce que je vivrai moins que mon père ?

Salomon

Qui le sait ? Ce n’est point par nous-mêmes que nos jours sont comptés. Un jeune homme fleurissait hier ; et le voilà qui meurt aujourd’hui, et quatre vieillards le portent péniblement à la terre sur leurs épaules courbées. Le baron se porte bien ; il peut, avec la grâce de Dieu, vivre encore dix, vingt, trente ans peut-être.

Albert

Tu radotes, juif. Dans trente ans j’aurai la cinquantaine ; et alors, à quoi l’argent me sera-t-il bon ?

Salomon

L’argent ! l’argent est bon toujours, et à tout âge. Mais le jeune homme voit dans les pièces de monnaie[1] d’agiles serviteurs qu’il expédie dans tous les sens, sans les ménager ; tandis que le vieillard voit en elles des amis éprouvés,

  1. Le mot argent est pluriel en russe.