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POÈMES DRAMATIQUES.

pareilles larmes. Cela me fait mal, et cela m’est doux, comme si j’avais accompli un devoir pénible, comme si un couteau salutaire m’avait enlevé un membre malade. Ami Mozart, ces larmes… n’y fais pas attention. Continue, hâte-toi de remplir mon âme de tes accents divins.

Mozart.

Ah ! si tous sentaient ainsi la puissance de la musique ! Mais non, le monde n’eût pu subsister. Personne ne se serait préoccupé des basses nécessités de la vie terrestre ; tous se seraient adonnés à l’art libre. Nous sommes peu d’élus, peu de fortunés qui pouvons mépriser le gain sordide, et nous mettre en prières devant le seul beau, n’est-ce pas ?… Mais je ne me sens pas bien aujourd’hui. J’ai comme un poids qui m’étouffe. Je vais aller dormir. Adieu.

Salieri.

Adieu. (Mozart sort.) Tu t’endormiras pour longtemps, Mozart. — Mais a-t-il raison ? Je ne suis donc pas un génie ? Le génie et le crime, a-t-il dit, sont incompatibles. Non, ce