Page:Alexandri - Les Doïnas, 1855.djvu/136

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du peuple. En effet, le règne de Lapuchneano avait été trop court pour qu’il eût eu le temps de dévoiler l’odieux de son caractère.

Les boyards tremblaient ; leurs appréhensions étaient d’autant plus fondées, qu’ils savaient que le peuple les détestait, et que le prince ne les aimait guère.

En effet, Lapuchneano n’eut pas plus tôt ressaisi les rênes du gouvernement, qu’il ordonna immédiatement qu’on remplît toutes les forteresses de la Moldavie, celle de Chotin exceptée, de bois sec et qu’on y mît le feu. Il voulait, par ce moyen, anéantir ces formidables asiles des mécontents qui, à l’abri derrière leurs remparts, ourdissaient des complots et des révoltes. En même temps qu’il détruisait ces foyers de la féodalité, il se servit de tous les prétextes pour dépouiller les boyards de leurs biens, afin de leur ôter tout moyen de séduire et de corrompre le peuple.

Pour rendre ces mesures encore plus efficaces, il eut soin de pratiquer de temps en temps quelques exécutions, propres, selon lui, à imprimer dans les âmes une terreur salutaire. Au moindre méfait, sur la plainte la plus frivole, la tête du boyard était attachée à un poteau devant la porte de son palais, avec une inscription portant la déclaration du délit vrai ou supposé. Puis, à peine cette tête commençait-elle à pourrir, qu’une autre la remplaçait.

Les mécontents n’osaient plus souffler mot, encore moins risquer quelque tentative. Une garde nombreuse, composée de mercenaires albanais, serbes et hongrois, suivait partout le prince ; les hommes de la plus vile condition, échappés à la vindicte des lois, ou expulsés de leur pays, avaient trouvé asile auprès de Lapuch-