Page:Alexandri - Les Doïnas, 1855.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

murmures du public ; mais Lapuchneano, ou ne les entendait pas, ou n’en tenait pas compte.

L’heure du dîner approchait, les boyards commencèrent à arriver à cheval, escortés chacun de deux ou trois domestiques. Ils remarquèrent, en entrant, que la cour était remplie de militaires et que quatre canons étaient braqués contre la porte du palais ; mais ils pensèrent qu’ils avaient été placés là pour célébrer la cérémonie par des salves, selon la coutume. Quelques-uns soupçonnèrent bien un guet-apens ; mais, une fois entrés dans la cour, ils ne pouvaient plus en sortir, car les portes avaient été refermées aussitôt sur eux, et des sentinelles nombreuses veillaient à chacune.

Lorsque les boyards, au nombre de quarante-sept, se furent rassemblés, Lapuchneano se plaça en tête de la table, ayant à sa droite le logothète Trotouchan et à sa gauche le vornic Motzok. La musique commença à jouer ; les mets furent apportés et posés sur la table.

À cette époque, la mode des mets délicats ne s’était pas encore introduite en Moldavie ; le plus grand banquet ne se composait alors que de quelques plats. Après le borche polonais, venaient les mets grecs préparés aux légumes et flottant dans le beurre ; puis le pilau turc et enfin les rôts cosmopolites. La nappe de la table était, ainsi que les serviettes, en filali fait dans la maison. Les plats sur lesquels on servait les mets, les assiettes et les verres étaient en argent. Tout autour des murs, il y avait plusieurs rangs de pots de terre ventrus pleins de vin d’Odobesti et de Cotnar. Derrière chaque boyard se tenait un domestique pour lui verser à boire. Tous ces domestiques étaient armés.

Dans la cour, à côté de deux génisses et de quatre