Page:Alexandri - Les Doïnas, 1855.djvu/56

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mécréants te guettent pour te dépouiller et t’arracher la vie !

Vois-tu cette faible lueur dans la clairière voisine où l’on entend la chouette gémir lugubrement ?

Là se tiennent huit hommes intrépides, aux larges épaules, aux manches retroussées et aux carabines chargées.

Trois d’entre eux embrassent une sainte croix ; trois autres se livrent aux plaisirs de la lutte ; l’un boit, et le dernier chante ainsi :

« Ohé ! Ciokoï, chargé de richesses, que ne passes-tu dans ces lieux pour tes péchés… je te logerais si volontiers deux balles entre les épaules !

« Ohé ! la jolie fille ! que ne diriges-tu tes pas vers ce fourré mystérieux… j’ajouterais de si bon cœur un nouvel éclat à ta beauté !

« Car mon fusil est greffé d’une bonne dose de poudre, ma massue est tout hérissée de pointes aiguisées, et mon cœur est mordu par le désir.

« Ohé ! toi, le massacreur de vieilles femmes, qui es de garde en ce moment, que ne siffles-tu plus tôt pour nous donner le signal du combat ?

« Mon brave fusil prend de la rouille ; les pointes de ma massue s’émoussent, et mon coursier bai piaffe et hennit d’impatience.

« Dans la forêt de Strunga, à quoi servent les longs fusils si l’on manque de voyageurs à la bourse bien garnie ! »