confessait au romancier et lui racontait ce qu’il avait plus ou moins observé chez toutes : comment elles passent leur journée ; — comment elles se laissent aimer ; — à table, leurs goûts de perruche ; — leur tenue envers les domestiques, les créanciers, le monsieur qui paye ; — la question de l’amant de cœur, etc., etc. Le romancier écoutait, prenait des notes, posait de nouvelles questions. A quelques jours de là, il visita, boulevard Malesherbes, l’hôtel d’une de ces dames. Il put tout voir, tout noter : la disposition du salon communiquant avec une serre, la chambre, l’importance du cabinet de toilette, même les écuries, tout cela pour décrire en connaissance de cause l’hôtel de Nana. Enfin, lui qui ne va nulle part, se fit aussi inviter à un grand souper chez une demi-mondaine. Et, pendant les quelques mois que dura ainsi la gestation de Nana, il ne nous recevait plus, nous, ses amis, sans mettre la conversation sur les femmes, sans faire appel à nos souvenirs. Un de nous lui donna tous les détails sur la fameuse table d’hôte de la rue des Martyrs, où les clientes, en entrant, « baisent la patronne sur la bouche. » Un autre lui raconta l’arrivée, à cinq heures du matin, dans un souper de filles, de plusieurs messieurs en habit noir, trop gais et que personne ne connaît. Un autre lui donna le détail des bouteilles de champagne vidées dans le piano. Et Zola écoutait tout, notait tout, s’assimilait tout. La comparaison de l’abeille composant son miel du suc de diverses
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