Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/210

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salons que celles de la rue, il fuira le vacarme inutile. Je ne le vois ni tenant le crachoir dans un cercle ni faisant une conférence devant une salle payante, ni pérorant dans un club. Une propagande personnelle lui serait insupportable. Il n’est pas du tout cabotin, pas seulement assez pour devenir jamais un homme politique. L’été, va-t-il passer quelques semaines au bord de l’Océan, il ne choisit jamais Dieppe ni Trouville, mais la plus ignorée, la plus déserte des stations balnéaires. Plus il deviendra célébré, plus il évitera la foule, pour échapper aux regards braqués sur lui.

— Je ne suis vraiment moi, je n’ai toute la possession de mes moyens, dit-il parfois, qu’ici, dans mon cabinet, seul devant ma taille, de travail.

Un homme fuyant ainsi la foule, peut-il être orgueilleux ? Oui et non. Il y a orgueil et orgueil. Certes, le passionné, le croyant, l’homme de foi un peu prêtre, dont je viens de reconnaître l’ambition et le besoin de domination dans l’ordre intellectuel, est un orgueilleux, si l’on entend par orgueil la légitime fierté de l’intelligence, le désir même de tout comprendre, la noblesse de chercher à monter haut, enfin l’instinctif dédain de l’imbécillité. Mais dans le sens étroit et mesquin du mot, si par orgueil on entend vanité, Émile Zola n’est nullement orgueilleux. Il a, au contraire, le sens critique trop développé, pour ne pas être modeste. Avoir le sens critique développé, c’est