Se dissipant, vous eut montré tous ces ivrognes,
Vous eussiez aperçu, parmi ces rouges trognes,
Deux visages d’enfant, bouche rose, œil mutin.
À peine dix-huit ans. Tous deux portaient épée.
Ils élevaient la voix.
— Merci, mon bon Marco,
Disait l’un, ma soirée entière est occupée.
Vous boirez bien sans moi.
— Quoi ! seigneur Rodolpho,
Dit l’autre cavalier, est-elle blonde ou brune ?
Prenez garde au mari, car il fait clair de lune.
— Tu te trompes.
— Comment ! toi, notre bon buveur,
Pour vin, tu prends l’amour, et pour verre, son cœur !
Piètre boisson, mon cher, piquette de carême !
Et le verre est petit.
Alors, vidant le sien,
Il paya. Rodolpho le saisit par la main.
Il était pâle.
— Ami, dit-il, point de blasphème !
Oh ! fou qui ne crois pas seulement à l’amour !
Ainsi, quand tu lui dis dans un sanglot : Je t’aime,
Tu ne l’aimes donc pas ? C’est un jouet d’un jour
Qu’une femme pour toi, doux jouet dont on use
Et qu’on rejette, lorsqu’un autre vous amuse.
Tu n’auras donc jamais cette fureur d’aimer
Qui brûle ? Tu n’auras donc jamais de jeunesse ?
Au lieu de cette extase où je vais m’abîmer,
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