Dit-il. Dans une nuit, elles se sont fanées.
Pour que le ver te ronge et ne laisse qu’un os
Dans un tombeau, qui sait ce qu’il faut de journées ?
Rosita, mon amour, quel gracieux repos !
C’est un juste sommeil ; dirait-on pas un ange ?
Vois donc comme est souillé ce délicat bleuet ;
Cette couronne est sale et ton corps est de lait :
Qui d’elle ou de ton cœur est plus couvert de fange ?
Ce sont des fleurs des champs — c’était hier, je crois, —
Quand je te l’apportais, elle était fraîche et belle ;
Mais un hasard vengeur m’a fait marcher sur elle,
Pour que je te la donne enfin digne de toi.
Entends-tu ces accords, rieuse jeune fille ?
C’est le bal. Lève-toi, cette couronne au front.
Je suis fils de cet âge et, quand ton regard brille,
Quand ta bouche d’amour tout doucement babille,
De te croire jamais je ne te fais l’affront.
Femme, ce sera là, si tu veux, ta livrée.
En te voyant si belle et de fange parée,
Les hommes tour à tour passeront dans tes bras.
Tu n’auras plus l’ennui des amours éternelles,
Plus d’amants languissants, plus de sottes querelles ;
Et d’autres t’aimeront, quand les uns seront las !
Le malheureux cessa de parler. Sur la couche,
Riant dans son repos, la fille remua ;
Et quelques mots confus sortirent de sa bouche.
Afin de l’écouter, vers elle il se pencha.
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