Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/340

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« Va rimer nos amours, dans le silence et l’ombre.
« Je te donne un pensum et te mets en prison.
« Va chercher sur tes doigts la césure et le nombre,
« Et reviens, m’apportant aux lèvres ma chanson. »

Tu le vois, j’obéis, et penché sur ma table,
Pâle, pressant mon front, ayant de l’encre aux mains,
Mon enfant, je me donne un mal épouvantable,
J’accouche avec labeur de ces quelques quatrains.

J’ai froid. Tu n’es plus là pour me dire : Je t’aime.
Ce papier blanc est bête et me rend soucieux.
Lorsque de nos amours j’écrirai le poème,
Je préfère l’écrire en baisers sur les yeux.

Eh bien ! non, mon enfant, je t’aime et je refuse.
Je sais trop ce que vaut l’once de ce parfum,
Je n’invoquerai pas cette fille de Muse
Qui vend au carrefour de l’encens pour chacun.

Je ne t’appellerai ni Manon ni Musette,
Et j’aurai le respect sacré de notre amour.
La Laure de Pétrarque est un rêve, et Ninette
Est l’idéale enfant du caprice d’un jour.