Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/38

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se cuisait en plein air. Baille avait allumé un feu de bois mort, devant lequel, suspendu par une ficelle, tournait le gigot à l’ail, que Zola activait de temps à autre d’une chiquenaude. Cézanne assaisonnait la salade dans une serviette mouillée. Puis, on faisait une sieste. Et, l’on repartait, le fusil sur l’épaule, pour quelque grande chasse où l’on tuait parfois un cul-blanc. Une lieue plus loin, on laissait le fusil, on s’asseyait sous un arbre, tirant du carnier un livre, le poète favori : Hugo d’abord, plus tard Musset. On finissait par discuter : quel était le plus fort des deux ? Longtemps, ils furent enthousiasmé par la rhétorique prodigieuse d’Hugo, jouant ses drames, s’étourdissant à la musique de ses vers déclamés tout haut ; mais Alfred de Musset les prit ensuite tout entiers par son côté humain et vécu, et il resta le plus cher, le plus lu, celui qui devait un jour jeter Zola dans son amour de la passion et de la vie. La nuit tombant, ils revenaient à petits pas, en discutant encore, en récitant à l’appui, des vers sous les étoiles.

La velléité les prit une fois de ne pas rentrer, de passer la nuit, toute une nuit, dans une grotte. C’était une immense excavation naturelle, entre deux énormes rochers, une fente très profonde qui allait en se rétrécissant, et devait aboutir à quelque trou de renard. Pour accomplir le haut fait, ils étaient venus quatre : Baille avait amené son jeune frère. À la tombée du jour, ils eurent soin de préparer au fond de leur grotte un lit parfumé, sinon