Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/95

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achetait ferme, elles payait à l’auteur trois mille francs pièce. C’était le manuscrit qu’il achetait, manuscrit qu’il pouvait publier dans les journaux, en volume, faire traduire, et cela pendant dix ans. C’est dans ces conditions que parurent le Ventre de Paris, la Conquête de Plassans et la Faute de l’abbé Mouret.

Le succès, sans prendre encore les proportions qu’il a eues depuis, s’annonçait déjà comme productif, au point de vue de l’affaire de librairie. Mais le romancier, qui menait de front d’autres travaux, se mettait toujours en retard dans ses engagements. Il en était arrivé à redevoir deux ou trois volumes à M. Charpentier, et à avoir ainsi touché plusieurs milliers de francs d’avance. N’étant pas sans inquiétude là-dessus, un jour, il se rend à la librairie, alors située quai du Louvre, afin d’avoir une explication avec son éditeur. Mais, dès les premiers mots, ce dernier l’interrompt, en disant : — « Mon cher ami, je ne veux pas vous voler. J’entends ne prélever sur vous que mes gains habituels… On vient d’établir sur mon ordre le compte de vos droits d’auteur à quarante centimes par volume, et d’après ce compte, ce n’est pas vous qui me devez de l’argent, c’est moi qui vous suis redevable de dix mille et quelques francs… Voici votre traité que je déchire, et vous n’avez qu’à passer à la caisse. »

Quel est l’éditeur qui en ferait autant ? Ce trait