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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

teaux télégraphiques, jusque sur les tas de pierres symétriques déposés de distance en distance. Mais le regard voilé de M. Fraque ne quittait pas la crinière noire de miss Jenny.

On rencontrait beaucoup de monde. Des blanchisseuses, leur paquet de linge sur la tête, allaient laver à la petite rivière qui passe au bas de la descente. Des rentiers, de vieux bonshommes en retraite, digéraient au soleil. Des charretiers, venant de Marseille, gravissaient la montée à pied. Et, comme ce jour-là était un jeudi, à chaque instant, on voyait passer des élèves en promenade : le collège, le grand et le petit séminaires, plusieurs pensionnats de jeunes filles. Tout ce monde connaissait M. Fraque, les charretiers de Marseille comme les bourgeois de Noirfond, les pions comme les institutrices, les prêtres comme les laïques, les vieux comme les jeunes. Les hommes le saluaient. Les collégiens lançaient familièrement de petits cailloux dans les sabots de Jenny. Et partout, sur la route de Marseille comme le long du boulevard extérieur, c’était une traînée de poudre, — le même sourire faisait dire à toutes les lèvres :

— C’est cet original de M. Fraque qui passe.

Vers le milieu de la descente, Jenny retourna tout à coup les oreilles : de loin, quelque chose de noir remuait. Mais la prudente bête se rassura bientôt. La voiture découverte du docteur Boisvert gravissait la montée, branlant tellement sa vieille capote délabrée, qu’elle semblait saluer, elle aussi, M. Fraque. Le doc-