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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

struction par une porte surmontée d’une petite croix, et de ces mots : Œuvre de la Sainte-Adolescence. Avant de suivre ses élèves, le jeune prêtre demeura un instant sur le seuil, sondant du regard toute l’avenue, jusqu’à l’entrée de la route de Toulon. Pâle et maigre, portant fièrement la tête, drapé dans un immense manteau, ses longs cheveux bouclés lui tombant sur l’épaule, coiffé d’un large feutre haut et pointu de calotte dont un seul bord était relevé, on l’eût pris pour un petit mousquetaire noir. Il rentra tout à coup et referma la porte, précipitamment. M. Fraque apparaissant au haut de la montée, débouchait au grand trot sur l’avenue d’Italie.

Surmenée, haletante, crinière hérissée, la vieille jument passa comme un vertige devant les bancs où étaient assis les soldats, dans l’ébahissement, tous, de ce vieillard qu’ils voyaient toutes les après-midi exécuter cette fantastique charge de cavalerie. Miss Jenny fut presque tout de suite devant l’Œuvre de la Sainte-Adolescence. Mais là, comme d’habitude, elle fut arrêtée net. Et comme tous les jours, les yeux hors de lui, menaçant de la cravache la chapelle en construction, M. Fraque interpella le premier passant venu :

— Regardez-les bâtir cette bicoque !… C’est avec mon argent.. !

La phrase ne variait jamais. Chaque fois M. Fraque la jetait à n’importe qui : bourgeois, ouvrier, paysan, vieille femme, petite ouvrière. Quelquefois c’était à