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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

externe au collège, achevait son devoir à la clarté de la lampe à pétrole. Mais, quand leur fils leur eut souhaité le bonsoir, une fois couchés et la lampe éteinte, M. Menu commença à parler à sa femme. Une conversation animée s’établit, d’un lit à l’autre, et se prolongea fort avant dans la nuit.

Le lendemain, à la même heure, et comme par hasard, M. Menu dirigea sa promenade d’avant dîner vers l’avenue d’Italie. Mais le pasteur protestant, absorbé en apparence dans une lecture évangélique, eut beau passer et repasser devant l’Œuvre de la Sainte-Adolescence : cloué ce jour-là par un accès de goutte, M. Fraque n’était pas monté à cheval.

M. Menu eut plus de chance les jours suivants. Il goûta maintes fois la satisfaction d’échanger un coup de chapeau avec le mari de mademoiselle de Grandval. Il essaya même, du bord du trottoir, de lier conversation avec le cavalier. Mais il fallait crier fort : le sourd entendait mal, répondait de travers, et les passants se retournaient. Désespérant de surprendre ainsi le vieillard dans un jour d’expansion communicative, M. Menu finit par porter ailleurs ses promenades. Mais une idée fixe, qui le tenait depuis quelque temps, ne l’abandonnait pas. Et, la nuit, dans la chambre conjugale, pendant qu’à côté, Eudoxe, son thème achevé, ronflait comme un bienheureux en sa chambrette de collégien, c’étaient de longues insomnies, et toute sorte de combinaisons laborieuses chuchotées d’un lit à l’autre.