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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

sainte messe dans la chapelle. Pendant trois secondes, un violent combat se livra en Monseigneur : son séminaire inachevé, les douze cent mille francs complémentaires demandés par son architecte sur nouveaux devis, une antipathie invétérée à l’égard de M. de la Mole, que de tentations de congédier brutalement son ancien secrétaire ! Mais, avec une merveilleuse souplesse de diplomate catholique et d’homme du monde. Monseigneur sut se vaincre tout de suite et accepter en souriant.

— Sa Grandeur fixera elle-même le jour et l’heure, ajouta humblement le prêtre breton.

— Attendez, fit Monseigneur en consultant un petit carnet de nacre incrusté d’argent ; je ne vois de possible que la veille de Noël… Oui, la veille de Noël, à dix heures précises.

L’abbé de la Mole n’eut donc que trois semaines pour les derniers préparatifs. Madame Fraque et lui ne perdirent pas une minute. Trois matins de suite, ils prirent la diligence de six heures pour aller ensemble passer la journée à Marseille, à courir les marchands d’articles religieux. Lui, bouleversait de fond en comble les magasins, mettant les commis sur les dents, voulant tout voir, choisissant en homme de goût et marchandant, comme s’il eût payé avec son argent. Elle, assise dans le coin le plus obscur, approuvait tout d’un signe de tête, ne voyait que lui, ne le quittait pas du regard. Mais ce qui la ravissait surtout, c’était le repas qu’elle faisait avec lui au