Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

Et, accoudée sur la balustrade, elle se demandait si rien n’avait été oublié à Marseille, quelle surprise elle pourrait lui faire. Le jour où il avait reçu d’elle les premiers billets de mille francs pour « l’Œuvre », elle s’en souvenait, quelle joie d’enfant ! Il était venu lui prendre les deux mains. Elle voulait le revoir ainsi, secouant follement ses longs cheveux bouclés. Alors elle redescendit et traversa de nouveau toute la chapelle pour aller, derrière l’autel, ouvrir une petite porte, celle de la sacristie.

Un verrou avait été poussé en dedans. Elle rentra vers minuit, toute triste.

Et, de deux jours, voulant être forte, elle ne retourna pas à « l’Œuvre ». Mais que de fois elle se vit le chapeau sur la tête, la main déjà sur le bouton de la porte ! Même, une après-midi, elle alla jusque dans l’escalier, descendit la moitié d’un étage. Puis elle eut le courage de remonter se mettre en pantoufles et en robe de chambre. Et elle passait sa soirée à vouloir lui écrire.

Quand elle avait congédié sa femme de chambre qui venait de raviver le feu, elle ouvrait son buvard, choisissait une plume neuve, prenait du papier à son chiffre, parfumé. Puis, elle tirait de leur étui des lunettes, qu’elle s’assujettissait sur le nez, après en avoir méticuleusement frotté les verres. Et la même main qui avait jadis achevé pour M. Fraque une sépia commencée au couvent, se mettait à écrire : « Monsieur… » en grandes lettres cassées, hésitantes, peu-