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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

foule compacte. Plus de cris. Un bruit continu de piétinements assourdissait les conversations particulières. De temps en temps les essieux, très chargés, craquaient. Et, les lanternes, un peu au-dessus des têtes, semblaient deux étoiles vertes insensiblement soulevées par ce flot humain.

Tout en haut, devant l’élargissement du Mail, la foule s’écarta d’elle-même, laissant autour de l’omnibus une sorte de distance respectueuse. C’est ainsi que les femmes du père Lefèvre firent leur entrée en ville avec une certaine solennité. Seul, Courcier, en bottes molles, tenait toujours le cheval par la bride. Après un espace vide, sur la chaussée du milieu suivaient les Coqs, en rang, quatre par quatre, silencieux maintenant, comme si l’omnibus de l’Hôtel de Paris qu’ils escortaient eût été un corbillard. Et cette vraie tenue d’enterrement, cet ordre parfait, leur gravité subite, ils la devaient, eux, à la population scandalisée et hostile, échelonnée de chaque côté pour les regarder, tout le long des allées du Nord et du Midi.

Il n’y eut de cohue qu’à la fin, lorsque l’omnibus, après avoir passé aux pieds de la statue du Bon-Grand-Homme, s’arrêta tout à coup devant les Quatre-Billards. Mais Jéror, d’Alger, déjà en bas du siège, s’était précipité à la portière. Au milieu de la bousculade et des huées, entre deux haies de Coqs protecteurs, la première femme passa en courant, les jupes relevées de peur de la crotte. L’une après l’autre, toutes les treize, montrant ainsi leurs jambes, ne firent qu’un bond jus-