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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

la négresse. À l’écart dans un coin, Mengar, le créole, ayant accaparé la longue Dolorès, semblait faire du sentiment avec elle et de l’amour platonique. Et, au milieu du vacarme grandissant, c’étaient toute sorte de propositions sérieuses, offres de dîner, demandes préalables d’argent, marchandages, surenchères.

Ce n’était plus seulement le Divan, le café tout entier leur appartenait. Trois ou quatre faisaient queue à la porte des cabinets. Il y en avait à la cuisine, demandant de l’eau chaude et du savon pour se débarbouiller. Phémie tournait autour des billards, une queue à la main, faisant rouler les billes, écrivant avec le blanc son nom sur chaque tapis vert. D’autres rôdaient aux Momies, autour des joueurs de bésigue et de domino. La petite Laure assise sans façon à côté du banquier de la première chanteuse, s’enhardit jusqu’à passer la main sur ce large crâne chauve : « Est-il beau ?… Moi, il me plaît, le Monsieur ! et il va me payer quelque chose ! » Au milieu de tout ce remue-ménage, le père Brun allait et venait, sur les dents et pas tranquille, enchanté et effaré d’avoir tant de monde dans son établissement, tenté au fond de jeter ces rouchies à la porte, obligé pourtant de leur faire bon accueil dans l’intérêt de la consommation. Madame Brun, au comptoir, continuait à lire le Journal Officiel.

Des curieux stationnaient toujours dans la rue,