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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

tière, la connait maintenant et ne l’aime pas. Voici venir, en face, des dames avec qui elle n’est plus en visite. Leurs regards la dévisagent, la fouillent, la déshabillent ; puis, quand elle est passée, les mêmes se retournent, ne l’ayant pas assez vue, comme s’il s’agissait d’une bête curieuse. Voici maintenant la femme du procureur général, arrivant de loin, avec la marquise de N. N. Ces deux-là, du moins, la salueront : avec l’une, elle échange encore des cartes ! l’autre, la marquise, lui proposait, il y a quatre jours, d’aller, en même temps qu’elle, aux bains d’Uriage ! Eh bien, non ! toutes deux détournent la tête, prennent l’autre allée de la promenade… Et ici, il faut que ce soit elle qui se range pour laisser le passage libre à la toute jeune madame Jauffret. Sortie de son village, pour épouser un petit poseur qui ne lui vient qu’à l’épaule, cette grande asperge montée ne remplit seulement pas ses robes et voudrait occuper toute la voie publique… Puis, ce ne sont pas que les femmes ! À son passage, il y a de l’agitation devant les cafés et les cercles : ceux qui flânent dehors avertissent ceux qui se tiennent dedans ; des lectures de journaux sont interrompues ; des grappes de têtes nues apparaissent, entremêlées de mains qui tiennent une queue de billard ou des cartes étalées en éventail… En la voyant venir, les officiers du 217e cambrent la taille, effilent leur moustache, risquent une œillade. Plus insolents, nos gommeux et noblillons la lorgnent fixement, vont la regarder sous le nez. Et