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LA FIN DE LUCIE PELLEGRIN

son jupon laissait voir toute sa pauvre cuisse maigre. Avec ça, elle était d’un joli !… Et c’est elle qui vous a commencé de bonne heure… Sa mère, qui se promenait toute la nuit, la lanterne à la main, sous son cachemire d’osier, ne pouvait guère la surveiller ; avant quinze ans, Lucie découchait déjà. Mais plus fort que ça, à onze ans… et elle me l’a vingt fois raconté… un jour, par un de ces temps couverts où il fait nuit de bonne heure, s’étant attardée au milieu des carrières de Montmartre pour remplir son panier, Lucie, à onze ans, — entendez-vous bien, à onze ans ! — fut prise par un maraudeur de carrières de mauvaise mine, derrière un vieux tombereau disloqué qui se trouvait là, les deux bras levés dans le ciel…

Une triple exclamation interrompit la grande Adèle.

— Oh ! faisait simplement la jeune Héloïse.

— Les hommes ! ajoutait Marie la frisée.

— Ces cochons d’hommes ! renchérissait de sa grande bouche l’autre Adèle.

Depuis un moment, Marie la frisée éprouvait comme une démangeaison de raconter à son tour.

— Moi, sans la connaître d’aussi loin, je la voyais tous les dimanches, après midi, au petit bal du Moulin-de-la-Galette. Elle venait en cheveux. Elle était dans ses dix-neuf ou vingt ans, et végétait alors dans les hôtels garnis. Elle vous avait une modeste confection de vingt-neuf francs cinquante, toujours