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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/28

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LA FIN DE LUCIE PELLEGRIN

— Et celui-ci donc ! chuchota d’un air mystérieux Héloïse, en se penchant par-dessus Miss endormie sur une chaise, pour voir si le gros Victor n’était pas revenu au comptoir.

— Alors, continua la grande Adèle, une après-midi, dans le passage de l’Opéra, ou elle attendait, je crois, la fin d’une averse pour remonter aux Batignolles, elle fit la connaissance d’un étranger. Le lendemain matin, elle montrait à tout le monde un billet de cent francs, très émue, très montée, racontant qu’elle avait couché au Grand-Hôtel avec le roi des Belges, de passage à Paris, incognito. Cela dura trois semaines. Elle vous regardait du haut de sa grandeur ; elle s’était acheté sa première robe de soie, chez une marchande à la toilette, à crédit. Elle portait des gants. On ne la voyait plus qu’en sapin, et elle recouchait tous les deux soirs au Grand-Hôtel avec « le roi », son amant. Le lendemain du départ du roi, Lucie Pellegrin disait à qui voulait l’entendre qu’à la gare du Nord, avant de monter en wagon, « le roi des Belges » lui avait demandé si elle préférait recevoir de Bruxelles une traite de trente mille francs sur M. de Rothschild ou une rivière de diamants, et qu’elle lui avait répondu : « Sire, je ne me vends pas et n’accepterai jamais qu’un souvenir de Votre Majesté… » Elle attendit longtemps, vous pensez bien ; puis, quand elle comprit enfin qu’on lui avait monté le coup, elle s’était montrée trop crédule et trop vaniteuse pour oser en convenir. La crainte du