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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

temps, personne ne sonne plus. Un grand silence. Dans la chambre, le tic-tac de la pendule. Au loin, quelque part dans la nuit, le souffle de colosse de Paris, qui se délasse. Un vent humide, m’arrivant en face, m’a chassé deux ou trois larges gouttes d’eau dans les yeux. Mais je ne pleure pas. Quelque chose m’étrangle, un poids m’empêche de respirer, parfois un frisson me secoue tout entier, tandis que mon front brûle.

Je me remets à la fenêtre.

Deux heures.

Maintenant, elle ne rentrera plus. Que faire pour abréger les heures jusqu’au jour ?… Écrire.

Voici ce qui est arrivé :

Ce soir, elle a eu fini de dîner très vite. Philippe ne montant plus pour emporter la vaisselle, deux ou trois coups de sonnette impatients, impérieux. Puis, tout de suite, au lieu de s’accouder comme la veille à la fenêtre, elle s’est habillée. Mais sa toilette n’en finissait pas. Prête vers huit heures, elle est sortie.

Il ne faisait pas encore nuit. Bien qu’elle soit un peu myope, je ne la suivais que de loin, prêt à me cacher le visage et à me jeter de côté si elle s’était retournée.

Elle montait lentement l’avenue de Clichy, sur le trottoir de gauche, aussi lentement que l’omnibus de l’Odéon au milieu de la chaussée, un peu en avant d’elle, gravissant la montée de la Fourche avec un