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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/347

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

heures !… il faut aller se coucher. » On entendait déjà les boutiquiers d’en face fermer leur boutique. Le rassemblement se trouvait réduit aux gamines de quatorze ans, à des voyous. Et Hélène était toujours là, à l’écart, dans l’ombre.

Puis, que s’est-il passé ? je ne sais plus… Ce que j’ai vu est si extraordinaire que, maintenant, j’ai peine à croire que mes yeux l’aient réellement vu… Tout à coup, sur le banc, Fernand, sorti de son état de prostration, a relevé la tête, et son regard n’a-t-il pas cherché Hélène ! Hélène, à travers son voile, le regardait aussi. Les yeux brillants de joie, lui, souriait. Il eut même l’audace de lui faire un petit geste. Mais, la tête basse, comme honteuse, Hélène s’était déjà reculée. Maintenant, à petits pas, elle suivait le boulevard extérieur. Un peu en avant d’elle, la fille en cheveux, avait repris son chien sous le bras ; à l’approche de certains passants, elle traversait en courant d’un platane à l’autre. Sur le même trottoir, Hélène attendait un saltimbanque !… Non ce n’était pas possible ! Que restais-je là, moi, cloué à la même place, pétrifié de surprise, idiot de consternation ! Je n’avais qu’à me remuer, qu’à aller la regarder sous le nez, qu’à oser lui parler, et je m’apercevrais bien que ce n’était pas Hélène !… Et puis, quand même ce serait Hélène, je n’avais rien vu : ni regards échangés, ni sourire, ni geste ! Ce Fernand ne reviendrait pas ! Aidé de son camarade, il venait de transporter en face, chez un marchand de vin, le tonneau et ses supports,