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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

M. le président est chez lui et prie Monsieur de monter.

— Ah ! M. le président !… Très bien ! j’y vais !

Et, dans l’escalier, tout en montant à l’étage supérieur, ce « monsieur le président » m’offusquait encore, comme le souvenir d’une fausse note aigre vibrant soudain au milieu d’un morceau suave… Me gardant bien de sonner, je tourne le bouton de la première porte ; je traverse l’antichambre. Me voici dans le vaste et somptueux cabinet, aux quatre murs recouverts par la bibliothèque. Les dix mille volumes de droit, superbement reliés, qui ont fait le voyage d’Afrique, la mer traversée et retraversée, je les retrouve tous à la même place, alignant leurs dos sévères, presque terribles : les uns rouges et les autres noirs. Et un involontaire sourire me plisse la lèvre : « Monsieur le président » ! La porte de la chambre était grand’ouverte. Debout devant un miroir ovale pendu à la fenêtre, déjà en pantalon noir et en bottines vernies, une serviette blanche nouée derrière le cou, Moreau achevait de se faire la barbe.

— Entrez, mon cher… Asseyez-vous… mais ne me parlez pas… Vous pourriez me faire couper.

Puis, au bout d’un instant, essuyant soigneusement les rasoirs avant de les replacer dans leur boîte :

— Maintenant, on peut se serrer la main.

— Si je vous dérange ?…

— Allons donc !… Non seulement tu ne me dé-