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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/66

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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

clerc d’un procureur, il épousa une fille d’huissier, finit par devenir greffier au parlement. Enfin, le père de M. Fraque, grandi au milieu des paperasses du greffe, mais dépossédé par la Révolution de la charge paternelle, fut un homme de haut mérite, un Talleyrand de province, acquéreur de biens nationaux, tour à tour professeur de droit, procureur impérial et conseiller sous le premier Empire. Les Cent-Jours furent sur le point d’en faire un préfet. Mais dès la seconde Restauration, devenu définitivement monarchiste, il arriva à la députation, et à la première présidence de la Cour royale de Noirfond. Noble, en ces temps-là, un pareil homme fût sans doute monté plus haut. Lorsque la mort l’arrêta dans son ascension, il allait se faire anoblir, ce qui avait été rendu facile vingt-cinq ans à l’avance par le coup de génie de son mariage. En pleine Terreur, le jacobin Fraque, prévoyant qu’en France les vaincus du jour redeviennent tôt ou tard vainqueurs et qu’il est bon d’avoir un pied dans tous les camps, fit la folie apparente, tout en achetant pour un morceau de pain l’antique et superbe hôtel de Beaumont, d’épouser la ci-devant Hélène de Beaumont, orpheline et dernière descendante de cette illustre famille.

Rejeton unique de ce croisement, le jeune Hector avait grandi dans l’aristocratique hôtel comme il avait voulu. Il perdit sa mère de bonne heure. Il n’entrevoyait qu’aux heures des repas son père, jaune, parlant peu, absorbé. Sauf dans cinq ou six grands jours,