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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

acquéreur de biens nationaux, ce parvenu, avec lequel la dernière des de Beaumont n’a pas eu honte de se mésallier. » Mais Hector n’eut pas le temps de s’irriter à ces souvenirs. M. de Grandval ne lui laissa pas ouvrir la bouche. Baisé, choyé, adulé, étourdi, subjugué par le tourbillonnant vieillard, Hector finit par prendre son chapeau et ses gants, et sortit avec son nouvel oncle. Dix minutes plus tard, M. de Grandval introduisait le jeune homme en son intérieur de marquis ruiné. Dans un coin du salon, Zoé se remettait, pour la circonstance, à une aquarelle interrompue depuis quatre ans qu’elle était sortie du couvent.

À quelques jours de là, on vit passer sur le Cours M. Hector Fraque, donnant pour la première fois le bras en public à sa « cousine » Zoé de Grandval. On en causa d’abord devant plusieurs cafés, dont les habitués étaient en observation, attablés dehors sans consommer. Le docteur Boisvert, du cercle, colporta la nouvelle toute chaude dans plusieurs maisons du faubourg Saint-Germain et de la Chaussée-d’Antin de Noirfond. On le sut aussi tout de suite au cabinet de lecture. L’après-midi ne touchait pas à sa fin qu’on en souriait déjà dans la salle des Pas-Perdus, au Palais de Justice. Enfin, le soir venu, toute la ville mariait « le fils Fraque, de retour, vous le savez…, » avec mademoiselle de Grandval, « sa cousine si l’on veut… »

Les commérages de petite ville inventent d’abord ; puis, ce qu’ils ont inventé finit par devenir vrai.