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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

trois ou quatre journaux qu’il recevait étaient parcourus depuis le matin, il ne lui restait qu’à tisonner. Pendant qu’il faisait travailler les pincettes, sa pensée retournait chez le marquis : — « Elle n’était vraiment pas mal à la messe de minuit, agenouillée… Elle prie avec la fougue dévote d’une Espagnole… Ils doivent être tous deux bien attrapés de ne plus me voir !… Quand donc irais-je jouir de leur désappointement ? … »

Un dimanche, il n’y tint plus. Une heure avant le dîner, il sonnait chez les Grandval. Le cœur lui battait un peu. Comment expliquer sa longue absence ? Il n’eut rien à expliquer du tout. Zoé le reçut de l’air le plus naturel. Le marquis était radieux, de cette joie fiévreuse que connaissent les joueurs : il avait taillé la banque toute l’après-midi avec une veine incroyable. De temps en temps, à table, il enfonçait le petit doigt dans son gousset pour palper les trois billets de cinq cents francs qu’il venait de gagner. Après le dessert, il n’entra même pas au salon, embrassa Zoé sur le front, tendit la main à son neveu, et retourna au cercle.

M. Fraque prit le café au salon, en tête-à-tête avec Zoé. Il ne trouvait pas grand’chose à lui dire. Pour dissimuler son embarras, il alla allumer les bougies du piano.

— Ma cousine, implora-t-il de son air le plus aimable, si vous me jouiez une seconde fois ces jolis Noëls…