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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/85

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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

latrice. Il n’y eut dans son cas ni entraînement, ni chute. Si elle fut souvent sollicitée par les sens, la haine de son mari fut encore un plus puissant mobile. Si sa vertu eût pu être désagréable à M. Fraque, Zoé eût été capable de rester vertueuse.

La première fois, M. Fraque prit mal la chose. Naturellement il ne découvrit la vérité que tard : tout Noirfond déjà le montrait au doigt. Le scandale était d’autant plus grand, que M. Fraque, par l’influence de ses amis de Paris devenus tout-puissants à la suite de la révolution de Juillet, venait d’être nommé d’emblée avocat général à Noirfond. La colère du nouveau magistrat fut tragique. Il y eut duel, à Nice, qui n’était pas alors annexée. L’amant n’eut pas une égratignure : le mari revint le bras en écharpe. L’épée avait traversé de part en part.

Les rieurs rirent de plus belle. On ne commença, d’ailleurs à plaindre M. Fraque que longtemps après, précisément lorsque celui-ci se résignait enfin à porter gaillardement sa croix conjugale. Jamais il ne demanda la séparation de corps. Il y eut là sans doute quelque drame secret, un de ces sentiments inavoués, inexplicables. Il préféra jouer l’indifférence. Voici le singulier « mari malheureux » qu’il ne tarda pas à devenir.

Bien avant quarante ans, M. Fraque n’avait plus d’âge, tant il mettait de coquetterie à se vieillir. Il eût fait teindre ses cheveux, lui, en blanc, si la nature n’avait eu la prévenance de lui argenter de bonne