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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/93

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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

Firmin n’avait pas tardé à devenir un beau gars élancé et brun. Son père le conduisait à l’hôtel de Beaumont chaque fois qu’il venait y charrier du bois, du vin ou de l’huile. M. Fraque pinçait la joue à son filleul, et lui donnait une pièce de quarante sous. Puis, il lui avait fait obtenir une bourse à l’école des Frères. Firmin y passa quatre ans, en sortit avec une écriture superbe et un grand prix hors concours de calligraphie. Le procureur du roi, ayant besoin quelquefois d’une belle plume pour avoir copie de certaines pièces, s’était attaché le petit paysan comme secrétaire. Firmin n’avait pas dix-sept ans. C’était un enfant, très élancé, la peau un peu noire, mais l’œil vif et ardent. Un duvet naissant estompait de bleu le tour de sa lèvre rouge. M. Fraque n’en était pas très content. Firmin, très paresseux, passait son temps, dans une petite pièce précédant le cabinet de son maître, à couvrir du papier blanc de grandes arabesques à la plume. Pour le surprendre, M. Fraque rentrait quelquefois sur la pointe du pied, et lui tirait tout à coup les oreilles.

Une après-midi, en revenant du palais, le procureur du roi fut moins surpris qu’irrité de ne pas trouver son petit clerc à la table de travail. La porte de son cabinet n’était que poussée. Il l’ouvrit brusquement avec le bout de sa canne. Et il devint tout de suite très rouge. Madame Fraque en robe de chambre lâche, était encore étendue sur le divan en cuir où M. Fraque, par les après-midi d’été, faisait la sieste.