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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

avec son mari, à l’heure exacte. Elle causait avec lui, maintenant, de choses et d’autres, sans aigreur. Si M. Fraque n’entendait pas, elle se penchait vers « la bonne oreille » de son mari, et, plus distinctement, de bonne grâce, elle répétait sa phrase. Elle lui versait de temps en temps à boire. Elle lui coupait même du pain.

Touché, ne voulant pas être en reste de procédés aimables, Hector mit délicatement, un soir, sous la serviette de Zoé trois factures acquittées, celles du bijoutier, de la modiste et du marchand de nouveautés, trois vieilles dettes, remontant à des années, de plusieurs mille francs chacune. À cette époque de trêve conjugale et d’apaisement, ce mari apporta même à sa femme des bouquets et des cadeaux. Il eut la délicatesse de ne pas choisir des bagues, des pendants d’oreilles, des bracelets, hochets dont sa femme n’avait plus que faire, qui eussent pu éveiller des regrets. Mais, ingénieux en cherchant à faire plaisir, et connaissant la grande dévotion récente de Zoé, il lui offrit une croix en diamant, un riche livre d’heures, un admirable Christ d’ivoire, un prie-Dieu capitonné de soie et de velours. Ce fut une sorte de lune de miel tardive et pâle, mélancolique. M. Fraque venait de se voir tout à coup à la fin de sa carrière d’homme public. Le coup d’État avait dissous la garde nationale, et le brillant uniforme de lieutenant-colonel était désormais destiné à se faner au fond d’une armoire. Ne voulant pas servir « un régime qui avait