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LE RETOUR DE JACQUES CLOUARD

amitié, amour, vertu, liberté, patrie, n’était qu’une immense duperie ! Pourquoi pas ?

Il se souvint tout à coup de sa dette, oui ! des cent francs redus au fruitier et à la fruitière de la rue Winkelried : quatre-vingt-trois francs d’arriéré sur sa pension, plus dix-sept francs glissés dans sa poche, à la gare de Genève, « pour faire la somme ronde ».

Il alla tranquillement se coucher.


VIII


Six semaines plus tard. Fin août 1880, un dimanche matin. Les jours avaient déjà beaucoup diminué. Sept heures sonnèrent. Le soleil se levait, et tintait de rose les masures blanches de Carouge, le Vaugirard de Genève. La crémerie-fruiterie de la courte rue Winkelried venait d’ouvrir. On voyait déjà, de loin, la grande tache gaie de ses radis, de ses salades, de ses carottes. Le gros chat roux dormait sur l’établi de l’échoppe prise dans la devanture. Et la fruitière attendait son mari, pour verser le café au lait du premier déjeuner. Tout à coup, un grand cri joyeux de cette femme :

— Pas possible ! monsieur Clouard ?… C’est-il bien vous, monsieur Clouard ?

Jacques embrassait déjà la grosse Suissesse aux joues carrées. Puis, avec de la joie dans les yeux :

— Tenez ! voici vos cent francs.