Page:Alexis - Le Collage.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220
LE COLLAGE

de printemps entre une charcuterie et un marchand de vin. Elle en ressortit avec un petit bouquet de violettes.

À la Fourche, laissant en arrière le côtier et son cheval, l’omnibus partit au trot vers l’intérieur de Paris. Elle s’arrêta une minute, tournée vers l’avenue de Saint-Ouen, s’intéressant peut-être à la double rangée interminable de becs de gaz, allumés dans le crépuscule, enfonçant leurs points d’or jusqu’à la banlieue. Attendait-elle quelqu’un, devant sortir d’une de ces premières maisons, laides et basses ? Elle regardait aussi plus loin, là où l’avenue s’encanaillait encore jusqu’à devenir vers la barrière un quartier de chiffonniers. Ne voyant rien venir, elle continua à remonter l’avenue de Clichy. Déjà, en haut, l’omnibus disparaissait derrière le monument du maréchal Moncey.

À la hauteur d’un petit bal, comme elle venait de passer sur le trottoir de droite, tout à coup, presque au-dessus de sa tête, des lettres de feu, « Bal du Chalet », s’allumèrent. Elle dut faire un brusque détour : deux voyous en casquette molle faisaient irruption hors du bastringue, tombèrent presque sur elle, en boxant pour la frime. Hélène ne se retourna pas ; mais jusqu’au restaurant du Père Lathuile, elle marcha plus vite.

Maintenant, elle était place Moncey, devant le maréchal appuyé sur son canon, défendant l’ancienne barrière dans un héroïsme de dessus de