Page:Alexis - Le Collage.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
LE COLLAGE

ton nom ? je le sais pourtant et je ne m’en souviens jamais. » Plusieurs, très émus, l’œil brillant, quelque peu éméchés, lui donnèrent fraternellement l’accolade. Rochefort lui toucha la main. Mais, une fois assis, son verre apporté, quand Clouard eut trinqué avec ses voisins, échangé quelques phrases sur des généralités, il ne tarda pas à se sentir isolé.

La conversation était animée, joyeuse, bruyante. On faisait tout haut des projets ; beaucoup parlaient de Paris : la fête du 14 juillet serait magnifique ! Certains partaient le soir même, avec Rochefort ; la plupart filaient le lendemain matin ; mais Clouard gardait le silence, ne trouvait rien à dire, ne sachant quelle contenance garder sur sa chaise. Timide et fier, lui le partait ni le soir, ni le lendemain ! Ah ! on lui aurait payé sa place en express, qu’il n’aurait avoué à personne le pourquoi ! À la fin de l’hiver, une maladie de six semaines l’avait mis en retard envers le fruitier et la fruitière de la rue Winkelried. Pouvait-il partir en devant à ces excellentes gens, si secourables ? Donc la France, cette France du côté de laquelle le soleil commençait à se coucher, là-bas, ne lui était pas encore ouverte. Quinze jours, peut-être un mois, il lui faudrait peiner pour payer sa dette. Mercredi, le jour de la grande fête nationale du 14 juillet, on illuminerait sans lui. Aussi la joie des autres lui serrait le cœur ; les hommes