Page:Alexis - Madame Meuriot : mœurs parisiennes.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
MADAME MEURIOT

Madame Camoin ne disait pas non, elle. Certains remuements de tête, tantôt négatifs, tantôt affirmatifs, étaient sa façon ordinaire de se mêler à la conversation. Et madame Honorat continuait à l’aise la revue des Meuriot. Le mari, M. Léon Meuriot, un architecte : il n’y avait pas à dire, celui-là avait fait sa fortune lui-même. Quel homme de talent, parti de rien, ayant épousé madame Meuriot « par amour ». Eh bien il donnerait cent mille francs de dot, cent mille beaux francs comptants, à sa fille unique : il l’avait dit devant elle, l’autre jour encore, catégoriquement. Un homme tout rond, énergique, la tête près du bonnet, croyait-elle, mais franc comme l’or, et bon. Quant à sa fille… quant à sa fille… Eh bien ! voilà qu’elle ne retrouvait plus son nom, maintenant ! Atteinte depuis un an d’un commencement de paralysie lente, accompagnée d’atrophie musculaire progressive, madame Honorat perdait en même temps la mémoire.

― Marthe ?… Je crois que c’est Marthe, dit madame Camoin.

Oui, Marthe ! Elle était encore bien jeune. Sa santé, pas encore formée, semblait délicate. Mais quelle instruction hors ligne, quelle éducation du cœur, rien que de bons exemples sous les yeux ! Prête à passer ses premiers examens pour le brevet, elle n’attendait que d’avoir les seize ans indispensables. Cela ferait plus tard « une petite femme de ménage accomplie ». Et, baissant un peu la voix, madame Honorat ajouta :

Ce serait vraiment trop beau, si notre Gustave, quelque jour…

Mais elle n’acheva pas. Une rougeur passait sur