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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

gouvernement des États resta le droit commun le gouvernement fédéral fut l’exception[1].

Mais comme ou prévoyait que, dans la pratique, des questions pourrait s’élever relativement aux limites exactes de ce gouvernement exceptionnel, et qu’il eût été dangereux d’abandonner la solution de ces questions aux tribunaux ordinaires institués dans les différents États par ces États eux-mêmes, on créa une haute-cour[2] fédérale, tribunal unique, dont l’une des attributions fut de maintenir entre les deux gouvernements rivaux la division des pouvoirs telle que la constitution l’avait établie[3].

  1. Voyez amendement à la constitution fédérale. Fédéraliste, n°32, Story, p. 711. Kent’s commentaries, vol. I, p. 364.

    Remarquez même que, toutes les fois que la constitution n’a pas réservé au congrès le droit exclusif de régler certaines matières, les États peuvent le faire, en attendant qu’il lui plaise de s’en occuper. Exemple : Le congrès a le droit de faire une loi générale de banqueroute, il ne la fait pas : chaque État pourrait en faire une à sa manière. Au reste, ce point n’a été établi qu’après discussion devant les tribunaux. Il n’est que de jurisprudence.

  2. L’action de cette cour est indirecte, comme nous le verrons plus bas.
  3. C’est ainsi que le Fédéraliste, dans le n° 45, explique ce partage de la souveraineté entre l’Union et les États particuliers : « Les pouvoirs que la constitution délègue au gouvernement fédéral, dit-il, sont définis, et en petit nombre. Ceux qui restent a la disposition des États particuliers sont au contraire indéfinis, et en grand nombre. Les premiers s’exercent principalement dans les objets extérieurs, tels que la paix, la guerre, les négociations, le commerce. Les pouvoirs que les États particuliers se réservent s’étendent à tous les objets qui suivent le cours ordinaire des affaires, intéressent la vie, la liberté et la prospérité de l’État. »

    J’aurai souvent occasion de citer le Fédéraliste dans cet ouvrage. Lorsque le projet de loi qui depuis est devenu la constitution des États-Unis était encore devant le peuple, et soumis à son adoption, trois hommes déjà célèbres, et qui le sont devenus encore plus depuis, John