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GOUVERNEMENT FÉDÉRAL.

On fit du président le seul et unique représentant de la puissance exécutive de l’Union. On se garda même de subordonner ses volontés à celles d’un conseil : moyen dangereux, qui, tout en affaiblissant l’action du gouvernement, diminue la responsabilité des gouvernants. Le sénat a le droit de frapper de stérilité quelques uns des actes du président ; mais il ne saurait le forcer à agir, ni partager avec lui la puissance exécutive.

L’action de la législature sur le pouvoir exécutif peut être directe ; nous venons de voir que les Américains avaient pris soin qu’elle ne le fût pas. Elle peut aussi être indirecte.

Les chambres, en privant le fonctionnaire public de son traitement, lui ôtent une partie de son indépendance ; maîtresses de faire les lois, on doit craindre qu’elles ne lui enlèvent peu à peu la portion de pouvoir que la constitution avait voulu lui conserver.

Cette dépendance du pouvoir exécutif est un des vices inhérents aux constitutions républicaines. Les Américains n’ont pu détruire la pente qui entraîne les assemblées législatives a s’emparer du gouvernement, mais ils ont rendu cette pente moins irrésistible.

Le traitement du président est fixé, à son entrée en fonctions, pour tout le temps que doit durer sa magistrature. De plus, le président est armé d’un véto suspensif, qui lui permet d’arrêter à leur passage les lois qui pourraient détruire la portion d’indépendance que la constitution lui a laissée. Il ne saurait pourtant y avoir qu’une lutte inégale entre le pré-