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GOUVERNEMENT FÉDÉRAL.

vait que les électeurs différassent entre eux comme leurs commettants l’auraient pu faire.

Ce cas venant à se présenter, on était nécessairement amené à prendre l’une de ces trois mesures : il fallait ou faire nommer de nouveaux électeurs, ou consulter de nouveau ceux déjà nommés, ou enfin déférer le choix à une autorité nouvelle.

Les deux premières méthodes, indépendamment de ce qu’elles étaient peu sûres, amenaient des lenteurs, et perpétuaient une agitation toujours dangereuse.

On s’arrêta donc à la troisième, et l’on convint que les votes des électeurs seraient transmis cachetés au président du sénat ; qu’au jour fixé, et en présence des deux chambres, celui-ci en ferait le dépouillement. Si aucun des candidats n’avait réuni la majorité, la chambre des représentants procéderait immédiatement elle-même à l’élection ; mais on eut soin de limiter son droit. Les représentants ne purent élire que l’un des trois candidats qui avaient obtenu le plus de suffrages[1].

Ce n’est, comme on le voit, que dans un cas rare et difficile à prévoir d’avance, que l’élection est confiée aux représentants ordinaires de la nation, et en-

  1. Dans cette circonstance, c’est la majorité des États, et non la majorité des membres, qui décide la question. De telle sorte que New-York n’a pas plus d’influence sur la délibération que Rhode-Island. Ainsi on consulte d’abord les citoyens de l’Union comme ne formant qu’un seul et même peuple ; et quand ils ne peuvent pas s’accorder, on fait revivre la division par État, et l’on donne à chacun de ces derniers un vote séparé et indépendant.
    C’est encore là une des bizarreries que présente la constitution fédérale, et que le choc d’intérêts contraires peut seul expliquer.