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NOTES.

Le 16 février 1816, une nouvelle loi confirme ces mêmes mesures. Même collection, vol. 2, p. 405.

Des dispositions analogues existent dans les lois de l’État de New-York, révisées en 1827 et 1828. (Voyez Revised statutes, partie 1, chapitre 20, p. 675.) Il y est dit que le dimanche nul ne pourra chasser, pêcher, jouer, ni fréquenter les maisons où l’on donne à boire. Nul ne pourra voyager, si ce n’est en cas de nécessité.

Ce n’est pas la seule trace que l’esprit religieux et les mœurs austères des premiers émigrants aient laissée dans les lois.

On lit dans les statuts révisés de l’État de New-York, vol. 1, p. 662, l’article suivant :

« Quiconque gagnera ou perdra dans l’espace de vingt-quatre heures, en jouant ou en pariant, la somme de 25 dollars (environ 132 francs), sera réputé coupable d’un délit (misdemeanor), et sur la preuve du fait, sera condamné à une amende égale au moins à cinq fois la valeur de la somme perdue ou gagnée ; laquelle amende sera versée dans les mains de l’inspecteur des pauvres de la commune.

« Celui qui perd 25 dollars ou plus peut les réclamer en justice. S’il omet de le faire, l’inspecteur des pauvres peut actionner le gagnant, et lui faire donner, au profit des pauvres, la somme gagnée et une somme triple de celle-là. »

Les lois que nous venons de citer sont très récentes ; mais qui pourrait les comprendre sans remonter jusqu’à l’origine même des colonies ? Je ne doute point que de nos jours la partie pénale de cette législation ne soit que fort rarement appliquée ; les lois conservent leur inflexibilité quand déjà les mœurs se sont pliées au mouvement du temps. Cependant l’observation du dimanche en Amérique est encore ce qui frappe le plus vivement l’étranger.

Il y a notamment une grande ville américaine dans laquelle, à partir du samedi soir, le mouvement social est comme suspendu. Vous parcourez ses murs à l’heure qui semble convier l’âge mûr aux affaires et la jeunesse aux plaisirs, et vous vous trouvez dans une profonde solitude. Non seulement personne ne travaille, mais personne ne paraît vivre. On n’entend ni le mouvement de l’industrie, ni les accents de la joie, ni même le murmure confus qui s’élève sans cesse du sein d’une grande cité. Des chaînes sont tendues aux environs des églises ; les volets des maisons à demi fermés ne laissent qu’à regret pénétrer un rayon