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CONFIGURATION DE L’AMÉRIQUE DU NORD.

sifflement des vents y troublaient seuls le silence de la nature.

À l’est du grand fleuve, les bois disparaissaient en partie ; à leur place s’étendaient des prairies sans bornes. La nature, dans son infinie variété, avait-elle refusé la semence des arbres à ces fertiles campagnes, ou plutôt la forêt qui les couvrait avait-elle été détruite jadis par la main de l’homme ? C’est ce que les traditions ni les recherches de la science n’ont pu découvrir.

Ces immenses déserts n’étaient pas cependant entièrement privés de la présence de l’homme ; quelques peuplades erraient depuis des siècles sous les ombrages de la forêt ou parmi les pâturages de la prairie. À partir de l’embouchure du Saint-Laurent jusqu’au delta du Mississipi, depuis l’océan Atlantique jusqu’à la mer du Sud, ces sauvages avaient entre eux des points de ressemblance qui attestaient leur commune origine. Mais, du reste, ils différaient de toutes les races connues[1] : ils n’étaient ni blancs comme les Européens, ni jaunes comme la plupart des Asiatiques, ni noirs comme les nègres ; leur peau était rougeâtre, leurs cheveux longs et luisants, leurs

  1. On a découvert depuis quelques ressemblances entre la conformation physique, la langue et les habitudes des Indiens de l’Amérique du Nord et celles des Tongouses, des Mantchoux, des Mongols, des Tatars et autres tribus nomades de l’Asie. Ces derniers occupent une position rapprochée du détroit de Behring, ce qui permet de supposer qu’à une époque ancienne ils ont pu venir peupler le continent désert de l’Amérique. Mais la science n’est pas encore parvenue à éclaircir ce point. Voyez sur cette question Malte-Brun, v. 5 ; les ouvrages de M. de Humboldt ; Fischer, Conjectures sur l’origine des Américains ; Adair, History of ihe American Indians.