Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 1.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
61
DU POINT DE DÉPART.

pas, au reste, perdre de vue que ces lois bizarres ou tyranniques n’étaient point imposées ; qu’elles étaient votées par le libre concours de tous les intéressés eux-mêmes, et que les mœurs étaient encore plus austères et plus puritaines que les lois. À la date de 1649, on voit se former à Boston une association solennelle ayant pour but de prévenir le luxe mondain des longs cheveux[1](E).

De pareils écarts font sans doute honte à l’esprit humain ; ils attestent l’infériorité de notre nature, qui, incapable de saisir fermement le vrai et le juste, en est réduite le plus souvent à ne choisir qu’entre deux excès.

À côté de cette législation pénale si fortement empreinte de l’étroit esprit de secte et de toutes les passions religieuses que la persécution avait exaltées et qui fermentaient encore au fond des âmes, se trouve placé, et en quelque sorte enchaîné avec elles, un corps de lois politiques qui, tracé il y a deux cents ans, semble encore devancer de très loin l’esprit de liberté de notre âge.

Les principes généraux sur lesquels reposent les constitutions modernes, ces principes, que la plupart des Européens du XVIIe siècle comprenaient à peine, et qui triomphaient alors incomplétement dans la Grande-Bretagne, sont tous reconnus et fixés par les lois de la Nouvelle-Angleterre : l’intervention du peuple dans les affaires publiques, le vote libre de l’impôt, la responsabilité des agents du pouvoir, la liberté individuelle et le jugement par jury, y sont établis sans discussion et en fait.

  1. New-England’s Memorial, 316.