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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.


DU RESPECT POUR LA LOI AUX ÉTATS-UNIS.
Respect des Américains pour la loi. — Amour paternel qu’ils ressentent pour elle. — Intérêt personnel que chacun trouve à augmenter la puissance de la loi.

Il n’est pas toujours loisible d’appeler le peuple entier, soit directement, soit indirectement, à la confection de la loi ; mais on ne saurait nier que, quand cela est praticable, la loi n’en acquière une grande autorité. Cette origine populaire, qui nuit souvent à la bonté et à la sagesse de la législation, contribue singulièrement à sa puissance.

Il y a dans l’expression des volontés de tout un peuple une force prodigieuse. Quand elle se découvre au grand jour, l’imagination même de ceux qui voudraient lutter contre elle en est comme accablée.

La vérité de ceci est bien connue des partis.

Aussi les voit-on contester la majorité partout où ils le peuvent. Quand elle leur manque parmi ceux qui ont voté, ils la placent parmi ceux qui se sont abstenus de voter, et lorsque là encore elle vient à leur échapper, ils la retrouvent au sein de ceux qui n’avaient pas le droit de voter.

Aux États-Unis, excepté les esclaves, les domestiques et les indigents nourris par les communes, il n’est personne qui ne soit électeur, et qui a ce titre ne concoure indirectement à la loi. Ceux qui veulent attaquer les lois sont donc réduits à faire ostensiblement l’une de ces deux choses : ils doivent ou changer l’opinion de la nation, ou fouler aux pieds ses volontés.

Ajoutez à cette première raison cette autre plus directe et plus puissante, qu’aux États-Unis chacun