si l’on doit prendre en pitié un peuple qui s’occupe sérieusement de semblables misères, ou lui envier le bonheur de pouvoir s’en occuper.
Mais lorsqu’on vient à étudier avec soin les instincts secrets qui, en Amérique, gouvernent les factions, on découvre aisément que la plupart d’entre elles se rattachent plus ou moins à l’un ou à l’autre des deux grands partis qui divisent les hommes, depuis qu’il y a des sociétés libres. À mesure qu’on pénètre plus profondément dans la pensée intime de ces partis, on s’aperçoit que les uns travaillent à resserrer l’usage de la puissance publique, les autres à l’étendre.
Je ne dis point que les partis américains aient toujours pour but ostensible ni même pour but caché de faire prévaloir l’aristocratie ou la démocratie dans le pays ; je dis que les passions aristocratiques ou démocratiques se retrouvent aisément au fond de tous les partis ; et que, bien qu’elles s’y dérobent aux regards, elles en forment comme le point sensible et l’âme.
Je citerai un exemple récent : le président attaque la banque des États-Unis ; le pays s’émeut et se divise ; les classes éclairées se rangent en général du côté de la banque, le peuple en faveur du président. Pensez-vous que le peuple a su discerner les raisons de son opinion au milieu des détours d’une question si difficile, et où les hommes expérimentés hésitent ? Nullement. Mais la banque est un grand établissement qui a une existence indépendante ; le peuple, qui détruit ou élève toutes les puissances, ne peut rien sur elle, cela l’étonne. Au milieu du mouvement uni-