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CAUSES QUI MAINTIENNENT LA DÉMOCRATIE.

grandes assemblées dont tous les habitants sont membres. Le peuple y exerce une influence prodigieuse sur ses magistrats, et souvent il y exécute sans intermédiaire ses volontés.

Soumettre les provinces à la capitale, c’est donc remettre la destinée de tout l’empire, non seulement dans les mains d’une portion du peuple, ce qui est injuste, mais encore dans les mains du peuple agissant par lui-même, ce qui est fort dangereux. La prépondérance des capitales porte donc une grave atteinte au système représentatif. Elle fait tomber les républiques modernes dans le défaut des républiques de l’antiquité, qui ont toutes péri pour n’avoir pas connu ce système.

Il me serait facile d’énumérer ici un grand nombre d’autres causes secondaires qui ont favorisé l’établissement et assurent le maintien de la république démocratique aux États-Unis. Mais au milieu de cette foule de circonstances heureuses, j’en aperçois deux principales, et je me hâte de les indiquer.

J’ai déjà dit précédemment que je voyais dans l’origine des Américains, dans ce que j’ai appelé leur point de départ, la première et la plus efficace de

    rieuses éclater à Philadelphie et à New York. De pareils désordres sont inconnus dans le reste du pays, qui ne s’en inquiète point, parce que la population des villes n’a exercé jusqu’à présent aucun pouvoir ni aucune influence sur celle des campagnes.

    Je regarde cependant la grandeur de certaines cités américaines, et surtout la nature de leurs habitants, comme un danger véritable qui menace l’avenir des républiques démocratiques du Nouveau-Monde, et je ne crains pas de prédire que c’est par là qu’elles périront, à moins que leur gouvernement ne parvienne à créer une force armée qui, tout en restant soumise aux volontés de la majorité nationale, soit pourtant indépendante du peuple des villes et puisse comprimer ses excès.