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CAUSES QUI MAINTIENNENT LA DÉMOCRATIE.

unité chrétienne, et la morale du christianisme est partout la même.

Il est permis de penser qu’un certain nombre d’Américains suivent, dans le culte qu’ils rendent à Dieu, leurs habitudes plus que leurs convictions. Aux États-Unis d’ailleurs le souverain est religieux, et par conséquent l’hypocrisie doit être commune ; mais l’Amérique est pourtant encore le lieu du monde où la religion chrétienne a conservé le plus de véritable pouvoir sur les âmes ; et rien ne montre mieux combien elle est utile et naturelle à l’homme, puisque le pays où elle exerce de nos jours le plus d’empire est en même temps le plus éclairé et le plus libre.

J’ai dit que les prêtres américains se prononcent d’une manière générale en faveur de la liberté civile, sans en excepter ceux mêmes qui n’admettent point la liberté religieuse ; cependant on ne les voit prêter leur appui à aucun système politique en particulier. Ils ont soin de se tenir en dehors des affaires, et ne se mêlent pas aux combinaisons des partis, On ne peut donc pas dire qu’aux États-Unis la religion exerce une influence sur les lois ni sur le détail des opinions politiques, mais elle dirige les mœurs, et c’est en réglant la famille qu’elle travaille à régler l’État.

Je ne doute pas un instant que la grande sévérité de mœurs qu’on remarque aux États-Unis n’ait sa source première dans les croyances. La religion y est souvent impuissante à retenir l’homme au milieu des tentations sans nombre que la fortune lui présente. Elle ne saurait modérer en lui l’ardeur de s’enrichir que tout vient aiguillonner, mais elle règne souverainement sur l’âme de la femme, et c’est la femme qui