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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

suivre sa pente, et le pousse au-delà des limites dans lesquelles il doit naturellement s’arrêter.

Je suis profondément convaincu que cette cause particulière et accidentelle est l’union intime de la politique et de la religion.

Les incrédules d’Europe poursuivent les chrétiens comme des ennemis politiques, plutôt que comme des adversaires religieux : ils haïssent la foi comme l’opinion d’un parti, bien plus que comme une croyance erronée ; et c’est moins le représentant de Dieu qu’ils repoussent dans le prêtre, que l’ami du pouvoir.

En Europe, le christianisme a permis qu’on l’unît intimement aux puissances de la terre. Aujourd’hui ces puissances tombent, et il est comme enseveli sous leurs débris. C’est un vivant qu’on a voulu attacher à des morts : coupez les liens qui le retiennent, et il se relève.

J’ignore ce qu’il faudrait faire pour rendre au christianisme d’Europe l’énergie de la jeunesse. Dieu seul le pourrait ; mais du moins il dépend des hommes de laisser à la foi l’usage de toutes les forces qu’elle conserve encore.