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CAUSES QUI MAINTIENNENT LA DÉMOCRATIE.

Cependant les institutions démocratiques ne prospèrent qu’aux États-Unis.

L’Union américaine n’a point d’ennemis à combattre. Elle est seule au milieu des déserts comme une île au sein de l’Océan.

Mais la nature avait isolé de la même manière les Espagnols de l’Amérique du Sud, et cet isolement ne les a pas empêchés d’entretenir des armées. Ils se sont fait la guerre entre eux quand les étrangers leur ont manqué. Il n’y a que la démocratie anglo-américaine qui, jusqu’à présent, ait pu se maintenir en paix.

Le territoire de l’Union présente un champ sans bornes à l’activité humaine ; il offre un aliment inépuisable à l’industrie et au travail. L’amour des richesses y prend donc la place de l’ambition, et le bien-être y éteint l’ardeur des partis.

Mais dans quelle portion du monde rencontre-t-on des déserts plus fertiles, de plus grands fleuves, des richesses plus intactes et plus inépuisables que dans l’Amérique du Sud ? Cependant l’Amérique du Sud ne peut supporter la démocratie. S’il suffisait aux peuples pour être heureux d’avoir été placés dans un coin de l’univers et de pouvoir s’étendre à volonté sur les terres inhabitées, les Espagnols de l’Amérique méridionale n’auraient pas à se plaindre de leur sort. Et quand ils ne jouiraient point du même bonheur que les habitants des États-Unis, ils devraient du moins se faire envier des peuples de l’Europe. Il n’y a cependant pas sur la terre de nations plus misérables que celles de l’Amérique du Sud.

Ainsi, non seulement les causes physiques ne peuvent amener des résultats analogues chez les Améri-