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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

dent point des hommes ; mais voici qui vient des lois :

Aux États-Unis, il n’y a pas de patentes pour les imprimeurs, de timbre ni d’enregistrement pour les journaux ; enfin la règle des cautionnements est inconnue.

Il résulte de là que la création d’un journal est une entreprise simple et facile ; peu d’abonnés suffisent pour que le journaliste puisse couvrir ses frais : aussi le nombre des écrits périodiques ou semi-périodiques, aux États-Unis, dépasse-t-il toute croyance. Les Américains les plus éclairés attribuent à cette incroyable dissémination des forces de la presse son peu de puissance : c’est un axiome de la science politique aux États-Unis, que le seul moyen de neutraliser les effets des journaux est d’en multiplier le nombre. Je ne saurais me figurer qu’une vérité aussi évidente ne soit pas encore devenue chez nous plus vulgaire. Que ceux qui veulent faire des révolutions à l’aide de la presse cherchent à ne lui donner que quelques puissants organes, je le comprends sans peine ; mais que les partisans officiels de l’ordre établi et les soutiens naturels des lois existantes croient atténuer l’action de la presse en la concentrant, voilà ce que je ne saurais absolument concevoir. Les gouvernements d’Europe me semblent agir vis-à-vis de la presse de la même façon qu’agissaient jadis les chevaliers envers leurs adversaires : ils ont remarqué par leur propre usage que la centralisation était une arme puissante, et ils veulent en pourvoir leur ennemi, afin sans doute d’avoir plus de gloire à lui résister.

Aux États-Unis, il n’y a presque pas de bourgade qui n’ait son journal. On conçoit sans peine que,